Philippe Monneret est professeur de linguistique à la Faculté de Lettres de Sorbonne-Université. Il a enseigné, jusqu'en 2015, à l'Université de Bourgogne.   Il est   fondateur et directeur des Cahiers de Linguistique analogique, secrétaire général de la revue Le Français moderne, membre du comité de rédaction de la revue Signifiances et membre du comité éditorial de la revue Romanica Olomucensia

Quelques repères historiques pour une analyse de l’énonciation (d’Aristote à Benveniste)

 

Le thème de l’énonciation est récurrent dans les sciences humaines et sociales depuis un n° de Langages de 1970 où Benveniste (1902-1978) avait pris pour objet « L’appareil formel de l’énonciation ».

On pourrait se demander si l’intitulé de l’article est justifié. Y a-t-il une description possible des formes de l’énonciation ? Et « l’appareil formel » recouvre-t-il le phénomène de l’énonciation ?

L’énonciation est en fait la boîte noire des sciences du langage. On en parle beaucoup mais sans chercher à en cerner la spécificité. Or, c’est l’acte même de produire un énoncé et non le texte de l’énoncé qui nous importe.

Au lieu de s’interroger sur l’acte d’énoncer (quel est le complément de ce verbe ?) ou sur l’acte de s’énoncer, on choisit par facilité, faute de pouvoir répondre à l’interrogation principielle, d’en exposer les effets, (« Quand dire, c’est faire »), ou les formes rhétoriques (les « dispositifs d’énonciation », la « scène d’énonciation », l’ « hétérogénéité énonciative »), pour reprendre certains syntagmes courants, mais problématiques.

Le retour aux leçons des Grecs telles qu’elles sont reprises au cours des siècles, d’Aristote aux Stoïciens et aux Épicuriens, de Port-Royal aux phénoménologues du langage comme Merleau-Ponty ou à un linguiste phénoménologue comme Benveniste, devrait permettre à l’analyste de mieux cerner ce que j’ai appelé le phénomène de l’énonciation.